jeudi 25 avril 2013

Le Paradoxe du Chercheur



Même s'il est possible d'affirmer que toute recherche spirituelle est vaine – puisque tout est déjà là, puisque le chercheur est le cherché – , s'il est un but à cette quête, à toute quête, il est possible de le formuler ainsi : déplacer le point d'ancrage de la conscience, de la surface à la profondeur. 

A quel problème le chercheur semble alors immédiatement confronté ? Le problème apparaît quand on recherche un état particulier, spécial, lumineux, modifié par je ne sais quel agent externe – comme s'il pouvait exister un agent externe ! – qui apporte un contentement, un apaisement, voire une délivrance... mais sur le plan psychologique uniquement. Sur le plan de la petite personne, sans aucun changement réel de perspective.

Si par extraordinaire un tel sentiment apparaît, celui-ci sera immédiatement récupéré par l'ego pour sa propre survie. D'autre part, nécessairement transitoire, l'état éphémère sera fatalement suivi du mouvement inverse du balancier, aussi sûrement que le flux et le reflux de la vague. La contraction qui suivra l'expansion s'avérera alors bien plus intolérable après un tel sentiment d'ouverture. 

La lumière qui est l'enjeu bien réel de toute quête spirituelle est celle, absolue et non relative, qui précède tout phénomène, toute pensée, toute appropriation. Qui tout précède et d'où toute ombre ou lumière apparente procède. Déplacer le point d'ancrage de la surface à la profondeur consiste alors avant tout à voir, à reconnaître que cette profondeur de l'Etre précède et a toujours précédé la personne. Et que le niveau psychologique n'en est qu'une production évanescente, pâle reflet de l'Etre que nous sommes ; un simple rêve.

Tous les termes que nous pourrons employer pour désigner ce que nous sommes réellement (lumière ou présence absolue, éternelle, infinie) ne sont évidemment que de simples indices, des traces mortes du Vivant, des pointeurs conceptuels. Parce que le temps, l'espace, la causalité sont ses fruits, sont ses enfants – je devrais dire tes fruits, tes enfants, à toi qui lis ces lignes. A toi seul et certainement pas ceux d'un autre, car il n'y a pas d'autre ! Bien avancés, hein ? Alors, comment on fait avec ça ? 

Une fois que le point d'ancrage dans la profondeur est trouvé, il est vu qu'en réalité, nous ne l'avions jamais quitté. La paix au centre de la roue est immobile et impossible à quitter. L'apparent point d'ancrage en surface, où il nous semblait nous débattre, ballottés au gré de nos émotions et de nos pensées, avait toujours été irréel, fictionnel, virtuel... symbolique. Une convention. Le mot pris pour la chose, la carte prise pour le territoire. 

La quête n'a donc jamais eu lieu : le progrès spirituel ne prend place que dans l'apparence. On avance dans le mensonge et l'illusion (discours de la voie progressive) jusqu'à temps d'être en mesure d'entendre la Vérité que nous sommes (discours de la voie directe). Et même ce mensonge n'a au fond jamais quitté la Vérité. 

La petite personne étant un irréel pur, toute la souffrance psychologique prétendument associée à la personne est elle-même également irréelle. Ce qui ne veut pas dire qu'on doive confondre les niveaux : le niveau psychologique est vu comme fondamentalement irréel une fois le Réel démasqué, mais tout a toujours semblé bien réel au sein de cet irréel. Et si on commence à prétendre : « mais non, la petite personne ne souffre pas... », qui parle, sinon la petite personne en plein déni ? La petite personne souffre, elle est souffrance. On ne peut pas nier la souffrance de la petite personne, on peut juste remettre en question l'existence de la petite personne. On ne peut pas nier les problèmes de la petite personne ; il s'agit de voir la petite personne pour ce qu'elle est réellement : pure pensée, pur rêve. De voir et non de croire

Autrement dit, – et c'est tout le paradoxe de la Voie – , on ne peut pas raisonner en termes d'Eveil à l'intérieur de la petite personne. Le faire revient à renforcer celle-ci, l'ego, le moi étanche ou moi-enfant, appelez-le comme vous voulez. On peut légitimement viser un mieux-être de la petite personne, mais au final, c'est peine perdue. C'est absolument sans espoir pour la petite personne : elle n'existe pas ! C'est vouloir mettre une rustine sur une roue de vélo crevée de partout, et qui plus est, totalement imaginaire. Une roue de vélo fantôme. Ou comme disait Nisargadatta : c'est vouloir prendre soin du nouveau-né d'une mère stérile. Il n'existe pas, il n'a aucune réalité, autre que conceptuelle. Bien sûr qu'au sein de cette irréalité, de cette rêverie, tout semble réel ! Bien sûr qu'au sein du rêve, on ne peut pas nier les choses du rêve ! Elles existent pour elles-mêmes au sein du rêve. Mais une fois que le rêve est débusqué, qu'en reste-t-il ? Que reste-t-il du rêve, de sa prétendue réalité ?

Inlassablement, c'est sur ce point qu'il faut revenir. Toujours cette histoire du ciel de la conscience sur lequel n'importe quel phénomène, n'importe quel nuage peut se promener, apparaître ou disparaître... Ou cette histoire de l'océan de la conscience, de la paix des profondeurs, toujours présente, et de la vague de l'ego. La surface peut être extrêmement agitée, mais « les pires tempêtes n'affectent que la surface de l'océan »... Et depuis la profondeur, il est vu que la surface est un rêve de l'océan, un rêve de la profondeur. 
Ou encore cette image de l'écran de la conscience sur lequel n'importe quel film peut être projeté... Le film projeté sur l'écran est un rêve de la lumière. On peut trouver le film très beau, être totalement hypnotisé par le film et consentir à cette hypnose, mais quand on parle d'Eveil, on parle de mettre fin à cette hypnose, ni plus ni moins.

Voilà pourquoi l'Eveil, le Graal, la Pierre philosophale, le Trésor absolu, le Secret des Secrets... intéresse réellement si peu de monde. Voilà pourquoi toutes les affaires du monde, toutes les névroses, tout le mieux-être et toute la réussite du monde sont pour tout un chacun des stratégies d'évitement de cela. Et tant que cette distraction, cette amnésie, ce sommeil, cette hypnose nous convient, c'est très bien ! Mais ne commençons pas à nous plaindre de souffrir d'une hypnose à laquelle on consent entièrement... même si la plainte fait, tout comme le reste, partie du jeu : celui de la séparation, qui n'est qu'apparente... En fait, il n'y a pas, il n'y a jamais eu, réellement, de séparation.

Nulle autre que conceptuelle. D'où le fameux koan zen : "Comment peut-on s'échapper d'un bloc de pierre ?" 

En faisant un pas en avant. Le bloc de pierre n'a jamais existé autrement qu'en rêve et ailleurs que dans ton esprit.

Soyez donc rassurés. La séparation, la souffrance n'est possible qu'en rêve. Il n'y a rien à craindre. Ouvrez simplement les yeux.




mardi 16 avril 2013

L'incendie de l'âme



Comme un grand embrasement ;
un parfait embrasement.

L'incendie de l'âme est permanent et sans retour,
l'incendie de l'âme a déjà eu lieu.

La flamme de ton âme embrase tout l'univers ;
quelle est cette flamme qui n'est pas la tienne
et qui est pourtant toi davantage que toi-même ?

En un sens elle est tout ce qui est et qui sera jamais,
elle brûle de sa vérité tapie dans tes mensonges ;
même tes histoires sont belles pourtant,
bien que souvent tragiques.

Toutes s'enracinent dans l'histoire de toi-même,
mais ce premier masque de la personne n'est que le gardien de la flamme,
qui seule, comme dans le Nô japonais, t'attribue un rôle, 
une grimace, un sourire.

Tu n'as pas même à revenir à la Flamme,
reste simplement tranquille et vois comme elle brûle ton rêve d'être moins qu'Elle. 

Vois comme tout, en son sein paisible et tendre,
vois comme tout n'a jamais fait que brûler.



jeudi 11 avril 2013

mercredi 10 avril 2013

Lego de l'Eveil


La lumière a donné à l'esprit de l'homme trois outils pour l'atteindre : le sens de la nuance, le clair-obscur du paradoxe et l'ombre du doute.

Grâce à eux, l'étrange et douce clarté du point d'interrogation se fond dans un Silence bien au-delà des mots.


- L'Eveil ?

Eveil : fin de l'allergie à la souffrance comme à la liberté, au bonheur, à la paix véritables.

Eveil : juste la fin d'un concept ; celui d'où procèdent tous les autres concepts : "moi, je".

Eveil : impossibilité ou refus déclaré de refuser le réel. En conséquence, indépendance totale vis-à-vis de tout état ou circonstance. 

L'Eveil n'est que le produit d'appel de l'Etre.



- L'ego ?

Ego : carton d'invitation à la grande fête de l'Etre.

L'ego n'est qu'une mauvaise traduction du réel, et le paradoxe est que celle-ci n'est jamais mauvaise que pour l'ego. Pour le Silence ou l'Etre d'où tout procède, tout est bien.

Il n'y a jamais que le fait d'oublier être parfaitement libre, qui fait lui-même partie du jeu d'être parfaitement libre.